Pensées d’une maman-thérapeute

L’enfant, buvard à émotions, dans une société de performance. Des non-sens et des contradictions.

De l’« hyperactivité », de l’intensité émotionnelle, en passant par le stress jusqu’aux troubles des apprentissages, les enfants sont scannés et étiquetés comme des produits, non pas dans un magasin, mais bien souvent à travers l’école. Et s’ils paraissent « défectueux », il se retrouvent alors ballotés de spécialistes en spécialistes, dans des centres médico-psychologiques ou chez des libéraux. Des adultes sont souvent cloîtrés dans les salles d’attente… se questionnant alors sur leur capacités à être de bons parents, parfois vampirisés par le sentiment de culpabilité. Ils sont plus ou moins dans l’obligation d’abandonner leur rêve d’être un parent parfait.

Accoutumés, parfois même addicts à notre rythme effréné, confrontés la plupart du temps à cette notion de performance, mais réconfortés pour certains par la réussite professionnelle, nous projetons inconsciemment nos aspirations personnelles sur nos petits. À travers notre progéniture, nous tentons de combler nos propres besoins, ceux de notre enfant intérieur mais aussi de l’adulte que nous sommes devenu, souvent pour soigner certaines facettes de notre égo écorchées par le passé.

L’enfant n’échappe donc pas au dictat de la performance, et notre désir de réussite est parfaitement projeté sur nos enfants. Exceller. Atteindre la perfection. Être le meilleur. Se comparer. Briller. Triompher. Avoir de bonnes notes pour avoir un bel avenir alors même que le futur n’a jamais été aussi incertain…

Plus inquiets sur les sujets relatifs à leurs compétences scolaires, à leurs prouesses relationnelles et à leurs performances intellectuelles que par le respect de leur biologie et de leur psychologie, nous préférons peut-être oublier que l’école est souvent le reflet de la société, la même que celle qui nous rend si mal parfois… nos burn-out professionnels. D’ailleurs, même en prenant en compte la sécurité de l’emploi chez les enseignants, jamais autant d’entre eux n’ont démissionné que ces dernières années.

Des professeurs face à des enfants agglutinés dans une même pièce, dans l’obligation de rester assis et attentifs derrière une table pendant que leurs corps leur rappellent sans cesse qu’ils ont besoin de bouger. Car c’est pourtant bien par le mouvement que le cerveau et la bonne posture physique se développent. L’enfant n’est tout simplement pas constitué pour vivre l’immobilité dans cette posture assise plusieurs heures dans la journée. Nous sommes de plus en plus nombreux à penser que l’école n’est pas adaptée aux besoins des enfants, et notamment des tout-petits.

Dans une société qui s’enlise dans le burn-out et le non-sens, comment ne pas comprendre le mal être de nos enfants ? Avons-nous peur de nous arrêter un instant pour nous questionner? Nous observer tout simplement : Nous, mais aussi nos enfants et le fonctionnement de notre société.

Est-ce un échec de ne pas parvenir à être « le meilleur » dans une société défectueuse qui ne nous permet pas facilement de trouver un sens profond à notre existence ? L’enfant n’a-t-il pas le droit de s’ennuyer et de vivre sans être jugé ou évalué ?

Dans notre société, la place de nos enfants change, encore instable au gré des nouvelles pratiques éducatives. Et nous manquons de temps et d’énergie. Fatigués et pressés. De la disponibilité, voilà tout simplement ce qui nous manque cruellement.

Pourquoi ne réduirions nous pas ce rythme infernal, juste quelques instants? Prendre le temps d’observer nos enfants, de la même manière que la future maman contemple son ventre lorsqu’elle porte encore en elle la magie de la vie. Et tout ceci sans jugement, sans attente particulière, comme si nous nous foutions la paix à nous-même et à nos enfants, juste quelques minutes pour accueillir une pause, un sourire. Comme pour nous rappeler combien nos enfants sont merveilleux et combien nous les aimons exactement tels qu’ils sont. Mettre de côté, juste un tout petit peu, l’école, la société, les autres, le brouhaha pour mieux percevoir leurs rires, leurs émotions, leur inné.

Prenons un temps d’ennui avec eux ! Le temps qu’il faut pour écrire ce que nous ressentons suite à ces instants si précieux et devenus si rares. Juste un peu de temps en conscience pour nos enfants et pour nous-mêmes. Et repartons ensuite, chacun sur notre chemin, de parents, et d’enfants, à affronter les imperfections de la vie, en gardant précieusement les ressentis de ces pauses que nous nous sommes octroyées, comme un véritable ressourcement et qui donne du sens à nos vies, la nôtre et pas celle des autres.

Un enfant qui ne rentre pas dans le moule imposé par la société est encore moins armé qu’un adulte pour faire face à ce fléau-ci : être dans la norme, ne pas être différent. Si on empêchait un peu les aiguilles de nos montres de continuer à tourner sans cesse, pour regarder dans les yeux de certains enfants, nous pourrions y voir un sentiment d’injustice. Ce même regard aussi chez certains adultes.

Acceptons d’être imparfaits ou différents des autres ! La vie n’est faite que d’imperfections et pourtant nous la chérissons plus que tout.

Aurélie DOUAY
Thérapeute pour Enfants/Adolescents & Etudiants – HPI et TDA/H
Sophrologue-Posturologue